L’EXECUTION PROVISOIRE D’UN JUGEMENT PEUT ETRE SUSPENDUE LORSQU’ELLE EST SUSCEPTIBLE D’ENTRAÎNER DES CONSEQUENCES MANIFESTEMENT EXCESSIVES POUR LE DEBITEUR

Le premier Président de la Cour d’appel peut arrêter l’exécution provisoire d’un jugement si cette dernière risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives pour la partie condamnée compte tenu de ses facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier. C’est sur une telle demande que le Président de la Cour d’appel de Caen s’est prononcé dans l’ordonnance rendue le 21 mai 2019.

En l’espèce, le salarié d’un club de football ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique conteste la rupture de son contrat de travail devant le conseil des prud’hommes. Il sollicite également diverses sommes au titre de rappels de salaires.

La juridiction prud’homale a estimé que licenciement du salarié reposait bien sur une cause réelle et sérieuse mais lui a octroyé plus de 25.000 euros à titre de rappel de salaires et a ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le club a interjeté appel de cette décision et, parallèlement, a saisi le juge de l'exécution.

Par une ordonnance rendue le 21 mai 2019, Le Président de la Cour d’appel suspend l’exécution provisoire ordonnée en première instance.

Le Président rappelle tout d’abord qu’en application de l’article 524 du code de procédure civile, l'exécution provisoire d’un jugement peut être arrêtée, en cas d'appel, si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il précise également que ces conséquences manifestement excessives doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, de ses capacités financières et des facultés de remboursement de la partie adverse.

En l’espèce, le Président de la Cour d’appel constate que les différents comptes et livrets de l’association sont débiteurs de 2.400 euros. Qu’en outre, il ressort d’une attestation émanant de l’expert-comptable de l’association que le paiement de la condamnation entraînerait pour l’association l’obligation de déposer le bilan.

Au vu de ces éléments, il est fait droit à la demande de suspension de l’exécution provisoire du jugement de première instance.

« Le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire ne doit être apprécié qu'au regard de la situation du débiteur, compte-tenu de ses facultés et des facultés de remboursement de la partie adverse et non au regard de la régularité ou du bien-fondé du jugement frappé d'appel.

L'association produit les pièces suivantes :

- une attestation établie par le Crédit Agricole de Normandie IFS mentionnant qu'au 9 avril 2019, les soldes des comptes et livrets de l'association sportive IFS FOOTBALL, sont créditeurs d'un total de 2 492,60 euros (1 954,09euros au titre du compte courant, 19,84euros au titre d'un livret A et 518,67euros sur un compte de parts sociales) ;

- une attestation établie le 15 avril 2019 par le cabinet d'expertise comptable SOREGOR selon laquelle faute de trésorerie, le paiement de la condamnation par l'association entraînerait pour elle l'obligation de déposer son bilan ;

- un projet de bilan au 31 mars 2019.

Si les pièces comptables et bancaires présentent certaines incohérences de montant et de date, le jugement frappé d'appel n'a pas remis en question le bien fondé du licenciement et donc la réalité des difficultés économiques énoncées par l'association.

Comme l'a plaidé l'association, le seul montant des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit compromet déjà l'équilibre de sa trésorerie, de sorte qu'il sera fait droit à sa demande de suspension, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argumentation des parties sur le risque de non remboursement en cas de réformation de la décision ».

CA Caen, ord. 21 mai 2019, n° 19/00029, Association sportive IFS Football